Mardi 21 septembre 2021, Beaux-Arts de Paris. J’attendais avec une réelle impatience de découvrir les nouvelles oeuvres de Pauline Brami, qui vient d’achever ses études aux Beaux-Arts de Paris, dans l’atelier de Tatiana Trouvé, avec son exposition “Entités”. Par un heureux hasard, en observant les différents travaux présentés en fin d’année par les étudiant.e.s en juin 2019, j’avais découvert son travail avec une sculpture flamboyante, The ground is melting, particulièrement poétique et peut-être un peu triste – des pieds nus en cire se consumaient au sol, qui pourraient faire penser aujourd’hui à la présentation de la réinterprétation de l’Enlèvement des Sabines de Giambologna par Urs Fischer à la Bourse de Commerce, réalisée pour la première fois en 2011. Pour la Nuit Blanche en octobre 2019, Pauline Brami avait présenté une installation très différente, Nothing in the shell, visible alors au Centre de Recherches Interdisciplinaires de Paris. Déjà, son intérêt pour le magma des volcans islandais – elle a étudié à l’école d’art de Reykjavik, Listaháskóli Íslands – se cristallisait dans un cratère bouillonnant et glacial. L’exposition “Entités” s’inscrit dans la suite d’une autre installation, Transfigures in sealed times (mars 2020) et d’une série d’oeuvres graphiques, Courants (2020), où l’artiste explore les mystères de la nature et fabrique de nouvelles concoctions pour rendre ses rêves présents.

Avec ses “Entités”, Pauline Brami invite le regardeur à s’immiscer via des portails dans un univers enchanté, le sien, fait de créatures et d’environnements à la croisée d’un monde intérieur et de la réalité. Il y a quelque chose de l’ordre de la magie dans ces grandes toiles recouvertes de couleurs minérales, de forêts de symboles (Baudelaire), et entourées de cordages au fil desquels l’on imagine toutes sortes d’amulettes relevant, sans doute, de mythologies propres à l’artiste. Cette dernière invente elle-même, en partie, son matériel, sa peinture faite de pigments mélangés à l’huile de lin dans des bocaux, qui rappelle la façon dont le peintre Elliot Dubail (1989-2018) créait ses propres pigments. La présentation dans l’exposition de ces étranges bocaux participe au rituel, et donne un indice de ce qui est à l’oeuvre dans cette espace chimérique, liminal, où bientôt l’on reconnait des cygnes qui s’envolent, un cerf fantomatique, des loups ou des renards comme sur un blason médiéval, des corbeaux, des machines et des plantes d’une autre ère. La complexité des compositions de Pauline Brami invite tant à décrypter cette peinture de signes qu’à s’y perdre instinctivement, à se laisser envahir par tout un cosmos d’où la nature déborde, et que l’on espère explorer encore bientôt.
Léo Rivaud Chevaillier
Site de l’artiste : paulinebrami.com / Instagram : @pauline_brami